On m’a écrit un jour dans un poème que je portais la responsabilité de la joie. Une autre personne, un autre jour, m’a asséné par mail que je faisais partie de ces gens qui peuvent changer le monde. On m’a aussi dit que j’avais en moi quelque chose de précieux. Selon les jours, ces phrases m’écrasent ou me tirent vers le haut. J’ai parfois envie d’abandonner, de dire : “vous êtes folles et fous, vous vous trompez, c’est trop lourd, trop dur, je ne sais rien faire de mes dix doigts, je n’ose pas, pas l’énergie pour construire quoi que ce soit”. D’autres fois, je suis le tourbillon de tous les possibles, j’ai envie de tout faire et de tout être. La dépression et sa prévalence dans mon entourage me questionne de plus en plus. Je vais faire ce que je fais de mieux : lire sur le sujet, écrire, peut-être, et serrer mes ami.e.s dans mes bras chaque fois qu’ielles m’en donneront l’occasion. Je recommence doucement à fumer à peine plus que je ne le souhaiterais, tant pis, à chaque moment sa peine, je fais les efforts que je peux, ils sont mouvants : la quantité de cuillères est limitée. J’aurais envie de pouvoir prendre un peu de la souffrance des gens pour les alléger, mais je n’accepterai pas moi-même de donner de la mienne si je le pouvais. Quand il est question de bricolage, je me sens bête, désemparée, presque paralysée. Je suis écartelée entre mon envie d’être efficace et productive et ma critique de l’obligation à l’efficacité et à la productivité. J’ai récemment fait l’expérience, grâce au GN, d’un sentiment de légitimité à exister qui ne souffrait pas de remise en question. Ces vacances m’ont apporté un visage de bronze et plus de magie que je ne l’avais rêvé. La magie, c’est simplement s’accorder un supplément de sens. Quelle incroyable récolte d’identités plurielles. J’ai donné et reçu. Les traces éphémères de la transe sur nos corps me resteront longtemps en mémoire. Quel soulagement que la compréhension. Je sais désormais comment je change le monde.
Je suis speed. La vitesse coule dans mes veines, je suis passée en mode hautement fonctionnelle. Une fois la motivation trouvée, abattre le plus de travail le plus vite possible. Listes, minuscules inscriptions avec alignement de cases à cocher. Tac, tac, tac, une croix et puis une autre. J’ai ma liste d’objectifs, me voilà en mode gamiste, il s’agit d’en faire le plus possible, profiter de l’énergie du moment dans la peur de son absence prochaine, maximiser le rendement, la machine s’emballe, remplir des papiers, aller à la poste, allez, allez, toutes les tâches sur le même plan, courses et écriture, allez, allez, peut-être qu’un jour, il n’y aura plus de petites croix à cocher, allez, allez, peut-être qu’un jour la Tranquillité sera à ta portée. Conscience de l’illusion, puisque c’est moi qui décide du nombre de cases à cocher sur ces post-its, mais je n’arrive pas à ralentir le mouvement interne. Épuisée mais pressée, sans doute stressée. J’ai envie de taper un sprint, de soulever mes haltères jusqu’à m’effondrer, d’être très musclée là tout de suite maintenant, quel supplice que l’attente, je voudrais la certitude de ma force et je ne suis pas patiente ! Rappel somatique à défaut d’autre chose, tendinite au poignet qui point, il est temps d’être raisonnable et de se couler une douce fin d’après-midi enveloppée de fumée.
Après des années de frustration, j’ai finalement appris à voler en rêve. Je suis une sorcière désormais. Ma bulle d’énergie protectrice est fonctionnelle. Je ne m’attendais cependant pas à ce qu’elle soit rose. Être une chenille n’est pas une contrainte, quand le pouvoir de métamorphose est infini. Je me suis faite oiseau de mer, papillon et dauphin. La roquette sauvage m’inspire beaucoup de tendresse. Je me demande si souvent, la tension que je ressens n’est pas au final de la simple tension sexuelle camouflée (j’avais écris textuelle). J’oublie de respirer dès que les émotions deviennent un peu trop fortes. Je devrais penser plus souvent à l’auto-hypnose pour me dénouer. J’ai renforcé les mots magiques.