C’était tout à l’heure que j’avais envie d’écrire. J’attends cet appareil qui permettra de tirer les mots directement de l’intérieur de mon crâne, comme les fils de souvenirs qu’on met dans une pensine. Je patauge, quel marasme. Renoncer à la prétention de tout comprendre. Renoncer à l’idée que tout puisse avoir un sens, ou du moins, de pouvoir donner un sens à toute chose. Peur, peur devant l’impuissance finale de mon intellect, les frontières infranchissables et mes propres incapacités. J’ai été renvoyée à mes limites – ou à leur absence, je ne sais plus ce qu’il faudrait dire, tout est confus – avec une violence que je ne pouvais imaginer. Comment accepter que je ne suis “que ça”, comment accepter que je peux faire de mon mieux sans pour autant réussir à atteindre l’idéal. Lourdeur de la tristesse qui incite le corps à se rouler en boule. Je souhaite hiberner. Pas de nouvelles rencontres jusqu’au printemps, s’il-vous-plaît, j’ai bien assez à faire, bien assez à affronter. Affronter. J’aimerai pourtant pouvoir choisir autre chose que la posture défensive du combat, un autre rapport au monde, moins de peur, m’échapper de l’adolescente que je n’arrive pas à cesser d’être et pour qui les adultes sont au pire des menaces, au mieux des déceptions. Je ne sais pas comment faire, j’ai envie de ruer dans mon cerveau, de provoquer un branle-bas, allez, on réorganise tout là dedans, on change de structure, et plus vite que ça !
La repousse intérieure est terminée ; grâce à la transe-formation, la période de renaissance est ouverte et voilà qu’il est temps de couper à nouveau mes cheveux court court court. Dans une société qui en manque, je contribuerai à ramener du rituel, du symbolique. Ma façon privilégiée de transmettre des apprentissages, c’est de faire vivre des expériences aux gens. Je suis une personne synthétique, faire l’effort de déployer ma pensée m’ennuie souvent. Je vais enfin dire à mes parents ce qui est resté bloqué si longtemps en moi. Vivre est une décision, une promesse à moi-même qui n’avait rien d’une évidence. Je me dois la vie, merci. J’ai un besoin urgent d’apprendre à échouer, à faire des choses ridicules et médiocres sans le vivre comme un risque de destruction de mon identité : il est un peu tard pour commencer, mais pas trop tard. Je suis en train de renoncer à être parfaite, c’est affreusement difficile. Repousser la juge en moi, créer un appel d’air. Ma crainte d’être perçue comme inintéressante m’inhibe au point de m’empêcher souvent de faire des propositions dans mes interactions avec les autres. Mon intuition est une forme de puissance à laquelle je fais de plus en plus confiance. Je n’ai constaté que récemment à quel point j’avais peur ; plonger dans les abysses de ma terreur m’a ouvert une possibilité de guérison. Je ne suis plus seule. Je sais désormais dire : « je suis fière de toi », sans le vivre comme une phrase paternaliste et je couve en moi cette fierté comme un trésor en attendant qu’il soit le moment pour elle d’éclore. Plus de puissance signifie plus de joie. J’aime.