Mai, le mois des lilas et des coquelicots, est celui que je préfère depuis l’enfance. Je peux donc facilement donner du sens à ce qu’il ait été, cette fois-ci, le mois du fleurissement accompli, terminé par une redistribution des cartes, dans un mélange de tristesse et de soulagement. J’ai coupé une des têtes de mon hydre, avec une violence libératrice. C’était douloureux de renoncer à mon fantasme le plus cher – en échange, grâce à L., j’ai gagné une plus juste formulation de mon besoin. J’ai bien conscience pourtant que le plus compliqué n’est pas de trancher, mais de m’assurer que la tête ne repousse pas. Comment cautériser la plaie, comment éviter de retomber à nouveau dans le piège du confort-inconfortable qui aurait pris un autre visage ? J’ai encore en moi l’espoir de la linéarité et de la stabilité de la guérison. Je voudrais en avoir terminé avec ce genre d’illusions. Moi qui me targue de lucidité, je suis sidérée quand je constate ce qu’elle échoue parfois à éclairer. Ces moments-là sont ce qui permet à mon œuvre de Saturne d’avancer. J’ai le sentiment d’en être à la dernière étape. L’obscur sur mon bras a trouvé sa forme, peut-être pas finale, mais une qui me satisfait. Je me suis, pour la première fois, aimée dans toutes mes dimensions de médiocre et de sublime, et comme jamais personne ne pourra m’aimer. Je suis ma chance ouverte et mon encerclement. J’ai découvert comme l’amour de soi pouvait être profond et puissant. Soleil et moi avons désormais tou·te·s deux la Joie au cœur. Je suis la prêtresse-tisseuse qui continue son souple ouvrage, avec ardeur et légèreté, enivrée d’une odeur nouvelle.