2020, septembre

J’aimerais qu’on sache faire exister les conflits sans créer pour autant des trous dans la toile. Je me sens lourde. Lourde de tristesse pour les trous, lourde des chemins perdus, lourde de l’amertume de savoir qu’ils ne sont pas perdus pour tout le monde, lourde de la responsabilité de tisser, et de la sensation que nous sommes trop peu à qui ça importe vraiment. Ça prend du temps de créer les espaces où je me sens vivante, le plus pleinement, et je suis fatiguée du rythme avec lequel il me faut les renouveler, et des patterns tordus qui constituent la toile (chemin de traverse : apprendre à être aussi vivante que possible partout). Je veux du souple, mais du plus solide. Je crois toujours que c’est possible. Le sentiment que ça ne peut exister sans une forme de renoncement à la pleine et pure affinité. Deuil difficile, je contemple les réseaux lumineux qui émergent dans l’obscurité de la terre, les larmes aux yeux. Je ne peux pas attendre des autres ce que je ne fais pas moi-même ; modéliser, c’est mon éthique. Accepter de m’engager dans des environnements imparfaits, trouver d’autres horizons relationnels que la joie et la jouissance d’être avec. Vivre ensemble, c’est beau quand oublie quelques instants que ça a été salement galvaudé. Vivre avec, parce que c’est « plus qu’une consolation […] une raison de vivre ».

Cet été j’ai confié ma vie à la mer. Maintenant, j’aspire à jouer le jeu de la vie jusqu’au bout. C’est terrifiant et sublime et incertain. C’est un saut de la foi, c’est m’en remettre, enfin, à plus grand que moi. Mais avant de peut-être exister d’une manière qui me dépasse, il faudra que quelques années passent.

Je pense avec émotion à l’adolescente que j’étais et qui ne voulait pas le jouer, ce jeu. Elle est morte et je porte son héritage, en forme de sensibilité persistante à la rage et au désespoir de la contrainte, au droit de ne pas vouloir, de dire non, de mourir. Et si, dans la pratique, j’ai parfois manqué d’humilité ces dernières années, je veux à nouveau accueillir le refus de la vie comme modalité de l’existence, et apprendre à en prendre soin sans plus chercher à convaincre de me rejoindre de ce côté-ci. Rendre hommage à la princesse, et à tou·te·.s celleux qui penchent, sans vraiment l’avoir choisi non plus, vers la destruction comme solution.

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