Aux étoiles qui s’ignorent

J’ai essayé d’écrire à la deuxième personne du singulier
Devinez quoi ? C’était raté.
Petit rappel de mon sujet ? Ah, oui : assumer.

par peur d’affronter le monde je me suis longtemps planquée
terrifiée à la simple idée de me tenir sur mes deux pieds
je ne me savais pas étoile, je me croyais plutôt poussière
et j’me suis cherchée un soleil pour me nourrir de sa lumière
J’espérais que par ricochet, moi j’profiterais des rayons
à défaut de briller soi-même, y a la magie d’la réfraction
je pouvais me faire transparente : parfait milieu d’propagation
le plan optimal pour grandir sous protection

juqu’à aviser un résultat à des années-lumières
l’hiver venu j’me suis retrouvée dans son ombre
ma cachette confortable dev’nue une prison sombre
quand un soleil se révèle lampadaire
parent-ogre plutôt que mère nourricière
on en voit plus clairement les effets délétères
bénéfices éphémères, manque de vitamine D,
un bien-être précaire, une estime lézardée
un bouclier qui contraint plus qu’il ne protège
bouclée, liée, j’avais été mauvaise stratège
attraction du néon
pour insectes éblouis
élisant comme des cons
une lumière qui leur nuit
je ne me suis pas cramée les ailes :
je ne savais pas encore voler
j’ai tant lutté pour retrouver mon orbite
refuser l’attraction qui dans ma chair était inscrite
les soleils-imposteurs n’aiment pas trop qu’on les quitte
je n’aimais pas trop me sentir écrasée : on est quitte

il a m’a fallu faire du chemin
pas tout à fait dans le noir mais
sous le clair-obscur des espaces de passages
accepter qu’on ne me tienne plus par la main
apprendre à demander
apprendre à reconnaître ce que je voulais
y compris être citée, reconnue, regardée

j’ai conspué chez les autres, ce besoin de reconnaissance
qui étais là dans mon ventre sans pouvoir prendre naissance
il est temps de faire face à la boite noire, ma part d’ombre rejetée :
on ne change que ce qu’on a commencé par accepter

le droit d’exister, ça ne se demande pas
personne d’autre que moi pour m’ouvrir la voie
je suis mon centre de gravité
j’émet ma propre lumière
il y a de quoi être fière
je peux marcher sans tomber

les étoiles brillent dans les yeux de celleux qui les regardent
alors j’accepte d’être regardée, me voilà, monde, prend garde

Serpent

J’accepte le serpent que tu m’as empêchée d’être
Je remonte le temps, ça va être ta fête,
tu m’as voulue méchante, bien, laisse-moi te prouver
à quel point tu dis vrai, je vais me dé-chaîner

oui je suis le serpent élevé en ton sein
celle qui mord la bonne âme qui lui tendait la main
tu n’as pas su trier de l’ivraie, le bon grain
mais tu m’as tout appris, c’était pas très malin
la douceur des filles sages, je sais n’est bonne à rien
désormais, agressée, je répand mon venin
pour te paralyser, toi et les tiens

t’as plus le monopole de l’agressivité
ce que tu craignais tant, le voilà arrivé
imagine qu’enserrée tu es devenue ma proie
sens-tu, toi aussi, la crainte de faire un faux pas ?
Je m’en vais t’étouffer comme tu l’as fait avec moi.
Pas de privilégié au royaume des couleuvres
je me la coule douce et t’es que le hors d’oeuvre
avant de t’avaler, tête la première
laisse-moi te rassurer : je boufferai aussi mon père
toi qui avais la preuve que je ne t’avais jamais aimée
sache que t’as pas bon goût et que t’es longue à digérer

ce n’est que post-mortem que j’me risque aux remerciements,
j’aurais crains que tu le prennes comme un assentiment
alors que pour ta tombe, c’est surtout du ciment

j’ai essayé d’être parfaite, pendant dix ans, pour t’donner tort
ne jamais être menaçante, montrer que c’est pas moi le plus fort
j’avais peur de faire mal maintenant je sais que je le peux
mais je choisis de n’pas le faire parce que je crois que c’est le mieux
t’as posé des fondations douteuses pour mon éthique
aujourd’hui libre de toi, je les accepte pour ce qu’elles sont
je leur laisse les obligations, ne choisis que la dynamique

dorénavant je prendrais soin des gens
tout en m’autorisant
la possibilité du devenir-serpent

Désolée de m’être comportée comme une folle quand tu me traitais comme de la merde

Inspiré du titre d’un article en anglais dont mon titre est la traduction littérale.

Désolée, j’ai mis longtemps à apprendre à bien me comporter
Pour faire des excuses correctes et dans les temps, personne
alors que pour la ramener, j’en ai honte, j’étais une vraie championne
Heureusement, je vais pouvoir me racheter, maintenant que je suis bien dressée

Désolée d’avoir insisté quand tu m’as dit que tu ne voulais pas que j’aille à cette soirée
à celle-là non plus, et que mon intérêt pour celle-ci était suspect
il y en avait d’autres c’est vrai, et puis c’est gentil, tu t’inquiétais avant tout pour ma sécurité.
Pardon de ne pas avoir voulu t’accompagner regarder le foot chez tes amis
Quelle bêtise d’avoir oublié que je devais faire passer mes intérêts après tes envies !
Non, je fais preuve de mauvaise foi, c’est du ciment du couple dont il s’agit
– le nécessaire compromis,
j’avais pourtant naïvement cru que c’était moi, qui m’étais adaptée à ta vie.

Quelle erreur ce jour-là !
de ne pas t’avoir immédiatement parlé de ce problème que tu aurais bien mieux géré que moi
comme tout le reste d’ailleurs
– nulle part à la hauteur
Pardon pour ma communication maladroite
je suis désolée de m’être laissée paralysée au fil du temps par la peur que j’avais de toi,
c’était pas sympa
Je suis vraiment désolée pour toutes ces fois où je t’ai agressé de mes larmes
qui te laissaient penser que t’étais un monstre, alors que t’as fait tant d’efforts avec moi,
j’ai manqué de gratitude je crois.
Pardon d’avoir parfois monté le ton quand j’étais en colère
et d’avoir posé des questions quand je n’étais pas d’accord avec ta façon de faire
j’aurais pas dû te forcer à te justifier, et simplement me taire,
c’était révoltant ce manque de confiance
alors que par rapport à moi, tu avais tellement d’eXpérience !

Je me sens bête de pas avoir compris à quel point t’avais raison
dans un couple les disputes c’est banal, c’est la passion
Je me souviens de cette fois où j’ai cherché du soutien en parlant de ta dépression
heureusement que tu as su me faire entendre raison : y a que le silence comme option
J’avais risqué l’impardonnable : te donner en pâtures aux commérages, abimer ta réputation
comme cette fois où j’avais osé vouloir parler en non-mixité de mes difficultés à orgasmer,
un manque de considération pour toi qui fait halluciner.
Pareil, je me dégoute quand je repense que je suis allée discuter avec mes copines en soirée
alors que c’était un énorme manque de respect, ça t’excluait :
j’aurais du rester sagement à tes côtés, t’écouter parler et animer, t’étais si doué.

Pardon de t’avoir imposé tous ces moments où j’allais mal sans trop savoir pourquoi
Heureusement que t’avais la solution, je manquais de sexe, voilà !
Pardon d’avoir balbutié que ce film m’avait donné envie de mourir
C’était violent pour toi et surtout, on ne dit pas ça pour rire,
pardon, c’était pas de ton ressort, tu pouvais plus prendre soin de moi
je comprends que plus tard t’aies eu besoin de me dire
que tu ne pensais pas qu’il était possible que j’aille mieux sans toi
mais tu me le souhaitais quand même, parce que t’es un gentil, un vrai roi.

sans titre

ne me donne pas de terre
je n’veux pas m’enraciner
à tes côtés

ne me donne pas de terre
je ne saurais quoi en faire
ni comment m’en dépêtrer

ne me donne pas de terre
pas de fausse stabilité
l’illusion d’être arrivée
que tes tremblements de terre
finiraient par dévoiler
me laissant comme un fruit vert
rêvant sa maturité

ne me donne pas de terre
je suis bien trop occupée
à chercher

celle de mon corps vivant
celle qui pulse à chaque instant
quand je suis ce que je sens

la promesse à mon doigt
la seule qui sera ma loi
c’est à moi que je suis fidèle

mon existence,
c’est à moi d’en porter le poids
acte de foi,
je me fais confiance

île volante,
terre mobile
je serais mon propre foyer
l’endroit où toujours retourner
ma terre d’accueil

2017, juin

Je ris, souris, m’allonge sur le canapé terrassée avant de reprendre mon clavier. Mon bas-ventre est le centre de lents mouvement souterrains qui rappellent à ma gorge une remontée d’acide. Cette même chaleur, la substance qui t’entraîne à l’intérieur de toi.

Il pleut à grosses gouttes et je me raconte des histoires sur les correspondances entre mon état interne et la météo. Ça y est, le ciel a crevé, et je suis dans la phase de redescente de ce long trip qui a commencé un jour de fièvre mercredi dernier. C’est normal, Alienne, l’intensité émotionnelle n’est pas exponentielle, et il fallait bien redescendre un jour, prendre le temps de se reposer. Enlever les voilages colorés. Ça m’a rendue un peu triste. On les remettra bientôt, je sais. J’ai envie d’être dans une immense véranda et de m’allonger sur le sol pour écouter la pluie tout l’après-midi. Réveillée vers midi avec une sensation de gueule de bois, j’émerge doucement. Moins fébrile, moins pleinement joyeuse, peut-être vais-je réussir à écrire cet article que je laisse traîner depuis un mois.

J’ai vécu un long mois pendant lequel j’ai pu rêver que je ne connaîtrais plus l’angoisse : plongée dans un état, il est si facile d’oublier qu’il existe autre chose. Depuis quelques jours, l’amie fidèle est revenue, avec deux pics. Je ne maîtrise pas le flux et le reflux. Mon premier bad trip m’a pris par surprise : je ne le croyais pas possible. Le soleil me procure l’effet apaisant d’un câlin. Je n’ai pas réussi à faire de la méditation une pratique régulière. Je ne suis pas une personne persévérante. J’ai peu de discipline. En une semaine, j’ai volé trois articles en supermarché. Chaque fois a été spontanée, mais je m’interroge sur cette récurrence. Ma poésie ne dit pas toujours la vérité, mais au moins mon espoir de la vérité. I’m still not as strong on my own as I’d like to be. Je switche fréquemment en anglais dans ma tête, et parfois à l’oral. J’ai souvent peur qu’on me juge pour ça, qu’on pense que je le fais pour renvoyer quelque chose, alors que je dis simplement les mots tels qu’ils viennent. Que m’avait-elle, dit, l’été dernier ? La possibilité de trouver une sécurité, mais pas de véritable stabilité intérieure. Tout de même, il me semble qu’un équilibre externe m’aiderait à trouver son miroir interne. J’ai peur de perdre celui que j’avais trouvé et qui me convenait si bien.

J’aime chercher le petit animal sauvage qui est caché derrière la façade. Trouver mes semblables.

sans titre

Laisse-moi te donner
De mon feu follet
Fol et vagabond
Comme mes baisers
Qui dans ton cou font des bonds
Laisse-moi te donner du feu
Du feu qui enfle et qui palpite
Du feu qui accélère le rythme
D’un pauvre coeur ou d’une bite
Qui ne sait plus bien où elle est
Laisse-moi te donner du feu
Celui qui croit tard dans la nuit
Jusqu’à ce que l’aurore l’ait réduit
En cendres,
Jusqu’à la prochaine nuit
Laisse-moi te donner du feu
Celui de la braise de mes yeux
Celui pour qui tu soupires d’aise
Viens voir mon côté audacieux
Laisse-moi te donner du feu,
Celui qui nous monte à la tête
Plonge dans une confusion muette
Et laisse de côté l’intellect
Pour éclairer nos corps radieux
Laisse-moi te donner du feu
De mon feu qui mène à la transe,
Mon feu pour attiser le tien
Du feu du feu qui crée le lien
dans une danse orangée
incantation silencieuse
sur mon corps brûlant dessinée
Laisse-moi te donner du feu
Mon feu comme un secret honteux
Mon feu souvent gardé en cage
Laisse-toi voir mon côté sauvage
Que tu n’as aperçu qu’un peu
Mais dont tu soupçonnes davantage
Quand c’est te mordre que je veux
Quand c’est me battre mon enjeu
Savoir qui aura l’avantage
Laisse-moi te donner du feu
Du feu qui réchauffe ou qui brûle
Du feu pour sécher ton chagrin
Rayon d’soleil ou canicule
Un feu qui jamais ne s’éteint.

L’intensité de mes flammes n’est pas une promesse
Si, quand je donne du feu, je suis toujours sincère,
Prend garde, au sabbat des sorcières,
À ne pas te brûler les fesses

sans titre

Mon feu s’allume avec le jeu
avec la malice dans nos yeux
quand tu feins d’hésiter vouloir
mais que ton air jubilatoire
trahit ton désir silencieux
quand nos corps brûlent de recevoir
autant qu’ils brûlent de donner
quand je veux mordre et embrasser
quand tu veux tordre et cajoler
Mon feu s’embrase avec l’enjeu,
la lutte : qui sera victorieux ?
Mais nos désirs équilibristes
souhaitent qu’aucun ne l’emporte
afin de ne jamais prendre le risque
que le feu devienne lettre morte
Viens, brouillons nos identités
comme brouillon d’un nouveau monde
qu’il nous appartient d’inventer
et nos amours vagabondes
ne trouveront pas à se lasser.
Nous ne perdrons jamais le feu
s’il est facile à raviver
En se perdant se déployer
en se cachant se retrouver
je te donnerai de nouveaux noms
de nouvelles manières d’exister
le possible à portée de main
prend donc la mienne et allons jouer
choisis ton costume de demain
ce dont tu as toujours rêvé
ou auquel tu viens de songer
et je saurais improviser
l’impossible je le défie
et mon feu sera infini
(comme semble toujours l’être la nuit
quand il est tout juste Minuit).

sans titre

Je me sens air-feu aujourd’hui
Je crois que ton feu m’a nourrie
Le souffle brûlant dont tu joues
ravive le brasier qu’est mon cou
pimenté de tes belles morsures
Comme elles me donnent fière allure !
Ta voix feutrée dans mon oreille
Ah, que je feule sans pareil
quand de mon subspace je m’éveille
je rêvais d’un collier de feu
Qu’on ne m’aurait donné bien sûr
Qu’après une lancinante torture
qui aurait duré très longtemps
Faite de fessées de griffures
et autres dangereuses fioritures
Qui me rappelleront mon tourment
Quand, loin, ton feu est mon absent

sans titre

Je ne sais pas donner de l’eau
Viens donc la prendre
L’eau de ma bouche ouverte
L’eau de mon sexe humide de tes mots
Je ne sais pas donner de l’eau
Seulement devenir-eau
toute entière
Bain bouillonnant, sans frontières,
je me liquéfie sous tes doigts
En moi tu n’auras jamais froid,
je ne suis pas une eau qui dort
Rien ne saurait me retenir quand je déborde
pas même des cordes
Je deviens alors fontaine
et je sais donner de l’eau